Le voyage initiatique de Claude et Renaud. Par esclamoureux Renaud tombe amoureux en voyageant avec Claude, se souvient de sa totale soumission a Fanny et prend une resolution. Voici donc Claude et Renaud en voyage le long du Nil. Pour Renaud c'est un voyage de reve. Ils avaient l'air d'un couple et visitaient un pays merveilleux, incroyable. Ils visitaient, admiraient, en parlaient. Ils parlaient sans cesse, de tout, d'eux, de leurs familles, de ce qu'ils voyaient. Parfois Renaud prenait des initiatives: un jour il chassa une diseuse de bonne aventure. Elle s'empressa de susurrer a l'oreille de Claude, que Renaud etait un mauvais homme et qu'elle devait s'en mefier. Un autre jour ils croiserent par hasard un coll�gue et sa femme. Celle-ci connaissait Renaud mais pas Claude qu'elle prit pour son epouse. Son mari la corrigea et Renaud eut le sang froid de dire "je serais flatt� qu'elle soit mon �pouse." Ce compliment plut a Claude. Mais elle supportait mal cette fausse relation conjugale. Un jour elle dit qu'elle en avait assez de jouer au papa et � la maman. Renaud aimait bien ce jeu et il encaissa le coup, en pensant in petto que les papa et les maman faisaient bien d'autre choses encore, et qu'il n'etait pas contre !! Un soir ils avaient un peu trop bu. Ils avaient, dans un temple, emis des voeux et on devine ceux de Renaud. Renaud aurait bien voulu que Claude prenne l'initiative, mais rien ne venait. Il n'osa pas prendre les devants. Il avait peur du ridicule, il avait peur du jugement de Claude. Ils voyagerent dans le desert en voiture. Les cahots et les tournants les projetaient souvent l'un contre l'autre. Il adorait cela, elle ne le detestait pas. Sous pretexte de l'aider a descendre d'une stele, sa main se promena sur ses seins. Elle le remarqua, ne detesta pas, et n'en parla pas, du moins pas tout de suite. Ils arriverent au Caire. Claude rencontra le bureaucrate. Celui-ci regarda Renaud avec surprise. Il ne comprenait pas ce que venait faire cet homme. Claude voulait aller dans les laboratoires et voir les jeunes. Le bureaucrate ne le voulait pas. Renaud etait temoin d'une autre joute. Il admirait la fougue, l'energie de Claude qui combattait un haut personage avec la meme audace qu'elle l'avait combattu, lui. IL n'aurait jamais os� affronter un si haut personnage. Il eut la surprise et le plaisir de constater qu'encore une fois elle l'emportait, le bureaucrate avait c�d�. Ils eurent donc l'autorisation d'aller dans le principal labo et d'y parler avec une jeunesse brillante. Renaud etait b�at d'admiration devant sa compagne si combative, si efficace et si forte. Elle donna un seminaire devant tous ces jeunes scientifiques. Elle fut brillante. Comme pr�vu, il etait dans l'ombre de Claude, presque transparent. Il etait evident que l'on s'interrogeait sur son role. Cette position aurait pu embarrasser un autre, mais Renaud la savourait avec gourmandise. Il suivait humblement sa patronne et se contentait de la servir et de l'admirer. Il avait pr�vu qu'il serait en position subalterne, il n'avait pas prevu l'admiration qui l'envahissait. Il devenait insensiblement amoureux. Il l'aimait sans s'en rendre compte, il la d�sirait en s'en rendant compte. Il se dit qu'au point o� ils en �taient il ne pouvait pas ne pas tenter une initiative pour transformer leur relation en une relation amoureuse. Il lui restait peu de temps et apres ce serait trop tard. Il devait lui faire une declaration des le lendemain matin au petit dejeuner. Mais il n'osait pas. Il se demandait pourquoi il n'osait pas. La premi�re raison c'est qu'il avait peur d'etre mal jug� par Claude. Elle avait depuis longtemps cet ascendant sur lui: il se sentait soumis a son jugement a elle. Il avait peur de lui deplaire. Puis il se demanda ce qu'il risquait s'il lui faisait tout de meme cette declaration. Il risquait qu'elle le juge mal et l'envoie promener de facon humiliante. Bon, se repondait-il, mais cela faisait plusieurs batailles qu'il avait perdu contre elle et les dernieres s'etaient soldees par son humiliation, il avait demande pardon, une humiliation qu'il avait aime. Bien sur, le risque etait maintenant d'une humiliation plus severe, car c'etait lui-meme, sa personne, qu'il proposait en cadeau a Claude, et etre ainsi rejete signifiait une atteinte a son amour propre, a son narcissisme. On dira que tout homme qui se declare a une femme encourt ce risque, mais cette femme, il la croiserait tous les jours et il y aurait entre eux ce secret. Il n'oserait plus la regarder dans les yeux. Mais peut-etre cette humiliation d'un degre superieur lui donnerait encore plus de plaisir que l'autre. Pourquoi ne pas le tenter ? Il ne croyait pas a ses chances de succes, c'est a dire d'etre accepte comme amant, fut-ce amant-esclave. Il envisageait les hypotheses de la facon suivante. 1) Probablement elle le rejetterait, peut-etre indignee qu'il propose cela a une femme mariee, ou, plus probablement d'une facon ironique et cinglante. 2) En supposant qu'elle accepte de flirter avec lui, il etait probable qu'il ne lui plairait pas, que ses baisers, ses attouchements, ne lui procureraient aucun plaisir et qu'elle le rejetterait finalement pour absence de seduction. Cette deuxieme hypothese etait encore plus humiliante que la premiere car ce serait son manque de charme qui serait ainsi soumis au mepris de Claude. 3) Dans l'hypothese improbable ou il aurait franchi ces deux etapes, elle accepterait de coucher avec lui, et alors il est plus que probable qu'il aurait tellement peur qu'il en serait impuissant et serait rejete par elle. Dans cette hypothese l'humiliation serait la pire de toutes puisque cette fois-ci ce serait sa virilit� meme qu'elle serait en droit de nier ! Pourquoi considerait-il un tel fiasco comme probable ? parce que cela lui etait arrive avec Fanny ! Quand il avait frquente fanny, il etait plus jeune qu'elle, totalement inexperimente, puceau pour tout dire, et terrorise par les femmes. Ils se voyaient souvent pendant presque deux ans. Elle le dominait totalement. Elle etait tres belle, grande, brune avec un charme oriental irresistible. Elle avait une intelligence tres vive, une intelligence logique, l'esprit de geometrie comme aurait dit Pascal, elle le battait a plate couture aux echecs. Mais elle avait encore plus l'esprit de finesse, la penetration de l'esprit et de l'ame des autres et, en particulier, elle lisait dans l'esprit de Renaud comme dans un livre ouvert. Il avait peur d'elle, de son jugement, de lui dire non. Elle obtenait donc de lui tout ce qu'elle voulait. Elle imposait les regles, les sujets de conversation, elle decidait de son emploi du temps et l'emmenait meme sur son lieu de travail ou il devait attendre patiemment qu'elle ait fini. Il adorait etre avec elle et acceptait tout. leurs conversations etaient un enchantement. Il n'osait meme pas lui demander un baiser. C'etait toujours elle qui prenait les initiatives. Un jour apres lui avoir inflige une deculottee au poker, elle orienta la conversation vers son sentiment pour elle. Il lui fit alors une declaration d'amour. Puis il demanda s'il y avait reciprocite. Elle repondit "Non et c'est tres embettant pour toi - pourquoi ? - parce que cette dissymetrie me donne sur toi un grand pouvoir". Elle l'avait prise au piege ! Il encaissa cette remarque cynique comme une brulure, avec une grande tristesse, un intense sentiment d'humiliation. Bien sur il n'etait pas digne d'elle ! Et cette humiliation lui procura un petit plaisir masochiste compensateur. Finalement elle decida de tenter d'en faire son amant et proposa un voyage organise en Inde. La premiere nuit ils se trouverent dans la meme chambre. Il etait effraye, ne savait pas quoi faire, comment mener les preliminaires. Elle ne l'aidait pas, le laissait se ridiculiser. Son penis restait une petite chose molle. Alors elle le congedia a jamais de son lit. Le lendemain elle flirtait avec un garcon qu'il trouvait vulgaire, mais qui se revela capable de la satisfaire. Cette fois-ci l'humiliation de Renaud avait atteint le fond. Il avait meme eu son "grec" a la Sacher-Masoch. Cette humiliation, cette facon de se faire congedier par la femme qu'il aimait le plus au monde, ne lui procura pas de plaisir. Il etait desespere et pensa au suicide. Il se promentait seul dans Damas entre les citadelles et la foule des soldats. Cette athmosphere lourde aggravait son malheur. Il n'avait aucune arme contre cette femme qu'il adorait et qui le meprisait et il pensait stupidement que seul son suicide la "punirait". Il ne trouva pas de lieu propice a son suicide et l'instinct de vie prit le dessus. Elle parvint meme, avant la fin du voyage, a l'entrainer dans un jeu de poker avec son nouvel amant et elle-meme, et, bien sur, a battre les deux garcons ! Une fille, qui ne lui plaisait pas, dragua Renaud et le rassura sur sa virilite. Or Claude le dominait autant que Fanny, surtout depuis ce voyage. elle combinait, elle aussi, l'esprit de geometrie et de finesse, elle aussi, fixait les regles, les sujets de conversation, elle aussi lui faisait peur. Donc il avait tout lieu de craindre le meme fiasco. Il passa une nuit blanche a peser le pour et le contre. Il y avait deux obstacles: la peur de deplaire a Claude, et l'humiliation anoncee. Il se repeta que l'humiliation devant Claude n'etait pas nouvelle, et que cela lui plaisait. Comme il etait convaincu de l'echec de sa demande, que l'une des trois humiliations recensees ci-dessus y mettrait un terme, il en etait presque a faire une declaration dans le but d'etre encore plus totalement humiliee par sa vainqueur. Le paradoxe etait que sa declaration n'aboutirait qu'a une chose, l'enfermer dans un piege semblable a celui dans lequel Fanny l'avait pris. Et c'etait lui qui le demandait ! Les hommes sont incorrigibles ! Il ne remarqua pas ce paradoxe sur le moment. En tout cas il n'avait pas l'intention de se suicider, il visait seulement a savourer sa totale soumission et son humiliation extreme comme un des beaux arts et a vivre avec ce plaisir. Il avait muri depuis Fanny. Pardon ? Avait-il vraiment muri ? A voir ! Il faisait chaud. Il allait sur le balcon. La rue etait deserte. Vers trois heures du matin, un bruit. Une femme, au lointain, sortait un bidon de lait. Etait-ce un presage ? de quoi ? Il etait resolu de faire une declaration. Mais, face a elle ne se "degonflerait-il" pas ? Il fallait qu'il prenne son courage a deux mains et dire cela d'emblee. S'il la laissait prendre en main leur conversation il n'oserait plus. Le matin etait leve. Il fit sa toilette et se rendit au petit dejeuner qu'ils prenaient en commun. (a suivre)