Une declaration et trois humiliations, Par esclamoureux Renaud fait une declaration et subit crescendo trois humiliations. Renaud allait donc rejoindre Claude au petite dejeuner et etait resolu a lui faire une declaration, a moins qu'il ne "se degonfle". Pour eviter que son courage, rassembl� lors d'une nuit blanche, ne lui fasse defaut il prit immediatement l'initiative: "Je voudrais te dire quelque chose - ? - j'ai envie de faire l'amour avec toi". Vous noterez le caractere romantique de cette declaration. La verite est qu'il avait chosi cette formulation faible et factuelle pour avoir l'air peu implique, juste un desir physique en quelque sorte et un peu macho, un peu "moderne". Une demande en passant, le refus serait moins blessant. Pendant cette nuit blanche il avait envisage trois possibles formes de refus classees par ordre d'humiliation croissante. La version numero 1 ne tarda pas. Mais pas sous forme d'indignation vertueuese ni sous forme de mepris cinglant. C'etait plutot dans le style qu'on prend quand on refuse une invitation ennuyeuse tout en restant poli "je suis desole mais j'ai tellement d'obligations". Dans la bouche de Claude c'etait du genre "c'est gentil mais je ne me vois pas m'engager dans toutes ces complications maintenant". Bon, du moins c'etait le minimum d'humiliation. Curieusement, cette declaration volontairement minimale du fait de la crainte panique de Renaud envers Claude, cette declaration qui frisait le ridicule, eut des consequences immenses pour leurs deux vies. Il repondit a son refus poli qu'il avait l'intention de maintenir sa demande avec obstination. Donc le voici dans la position du suppliant et elle de la personne qui a le pouvoir de dire oui ou non. Sous les precautions oratoires la demande de Renaud se decryptait en "je te supplie de m'accepter comme amant-esclave et tes conditions seront les miennes". Claude avait parfaitement decrypte et sa reponse etait "Tu ne m'interesse pas vraiment mais tu peux toujours me supplier". En apparence rien n'avait change. Ils continuaient leur tourisme comme un couple, elle dirigeait, ils parlaient sans cesse, elle se moquait gentiment de lui, de sa facon de s'habiller, de ranger ses vetements, etc. En realite tout avait change car, faisaient irruption dans leurs discours des aveux intimes concernant leur vie amoureuse. Renaud avait reussi a faire tomber ce tabou ! Il considerait Claude comme sa Maitresse dans le sens originel du mot, celle qui le possedait tout entier. Pourtant elle n'avait pas accepte ce cadeau impose, mais elle n'avait pas non plus refuse de facon suffisamment brutale pour qu'il n'insiste pas. Et comme c'etait sa Maitresse il considera qu'il devait tout lui dire, ou presque. Et il lui raconta sa relation avec Fanny (cf Le voyage initiatique de Claude et Renaud). Il n'avait jamais raconte cela a personne, tant il en avait honte. Mais il le raconta a Claude et lui avoua qu'il l'avait identifiee a Fanny lors de leur premiere rencontre. Il ne raconta pas son fiasco. Il reservait cette bonne surprise pour plus tard. Il parla de ses relations avec d'autres femmes. Il lui donnait toutes les clefs de sa forteresse interne, abaissait toutes les barrieres de l'amour-propre. Il se montrait tel qui l'etait, faible, ridicule et terrorise par les femmes. Il ne disait pas "je t'aime et je veux etre ton esclave", mais tout dans son attitude et ses propos le disaient. Il l'intronisait contre son gre comme sa Maitresse absolue, il se donnait totalement a elle. Le regard penetrant de Claude ne l'ignorait pas. Elle etait un peu submergee par cette nouvelle situation. Elle ne voulait pas de ce role impose de Maitresse. Certes elle avait provoque Renaud en duel oratoire et l'avait vaincu et humilie. Cela lui avait plu. Elle preferait gagner que perdre. Elle avait une autorite naturelle dans ce milieu tres masculin et elle preferait decider et diriger que d'obeir. Mais de la a s'encombrer d'un esclave perenne et trop demonstratif ! En meme temps elle aimait le nouveau tour de leur conversations, ces pans de son histoire qui brossaient de cet homme un tout autre portrait. Elle n'etait pas insensible a la force de sa passion pour elle. Donc elle choisit de baisser elle aussi ses barrieres. Cela retablissait entre eux une certaine egalite, et elle pouvait ainsi detruire l'image qu'il avait d'elle d'une amazone invincible. Elle dit qu'elle avait ete subjuguee par Claude Poiret, un homme que Renaud connaissait et dont il n'avait pas une bonne opinion. Que cette femme paree a ses yeux de toutes les vertus ait ete subjuguee par cet homme le laissa pantois. L'etoile subjuguee par un crapaud ! Tout de meme, a la fin c'etait elle qui avait congedie le crapaud lors d'un voyage et avait pris sous ses yeux un autre amant bien plus jeune, comme Fanny l'avait fait a Renaud. Cependant cet amant jeune avait a son tour congedie Claude quelques mois plus tard. Elle n'avait semble-t-il pas trop souffert de cela. Donc elle ne gagnait pas toujours au jeu de l'amour. Malgre les evenements importants qui se deroulaient dans leur relation ils continuaient a visiter cette ville stupefiante d'une humeur joyeuse comme si de rien n'etait. Renaud acceptait avec plaisir les moqueries de Claude. Il n'osait pas se moquer d'elle puisqu'il acceptait implicitement que l'idee que c'etait elle qui fixait les normes et savait donc ce qui etait risible et ne l'etait pas. Un jour, toutefois, Renaud fut saisi par l'audace. Il reagit a une de ces attaques en enserrant la nuque de Claude et en faisant mine de serrer. Il fut surpris de l'accueil positif de Claude "J'aime cela - pourquoi ? - parceque cela evoque la domination". C'etait etonnant, c'etait la premiere allusion a la domination, mais a l'envers. Elle dominait Renaud chaque jour de plus en plus mais elle prisait le geste timidement dominant de Renaud ! Y avait-il un masochisme de Claude ? Desirait-elle un male dominant ? Claude etait sensible au sentiment tres fort qu'elle percevait chez Renaud. Elle decida de lui laisser une chance et l'invita dans sa chambre pour y echanger des caresses. Imaginant qu'elle desirait peut-etre un male dominant il joua les machos. Il l'allongea sur le lit et se placa au dessus d'elle. Il l'embrassa et pour souligner sa domination il enfonca fortement sa langue dans la bouche de Claude. Elle n'aimait pas du tout cela et se degagea avec force. Le macho se trouvait par terre sur le cul et elle commenta "et en plus il pique". Et de deux ! c'etait la deuxieme des trois humliations possibles qu'il avait anticipees. Elle etait infligee de facon moins gentille que la premiere, et elle etait assortie d'une surprenante defaite physique. Il ne lui en voulait pas. Il ne lui plaisait pas voila tout ! Mais ils pousuivaient leurs droles de vacances cairotes et cela le consola. Et il etait de plus plus amoureux. Et elle sentait ce flux montant. Claude devait aller voir le conseiller scientifique a l'ambassade. Renaud l'attendait patiemment. Cette absence de quelques heures lui fit sentir a quel point il etait devenu dependant de la presence de Claude. Avec elle tout etait leger, meme apres avoir ete deux fois rejette. Sans elle tout devenait lourd. Le mot passion signifie aussi souffrance. Leur sejour tirait a sa fin. Ils n'avaient pas le meme avion. Ils faisaient tous deux escale a Ankara, mais Renaud devait y attendre longtemps. Il arriverait le premier et partirait le dernier. Ils convinrent qu'il l'attendrait et qu'ils s'y verraient. Le temps passa tres lentement pour Renaud dans cet areoport. Il etait petrifie d'amour, il ne pensait qu'a elle. Il acheta un rasoir a pile en reponse au "et en plus il pique" et se rasa. Il etait resolu a tout faire en son pouvoir pour plaire a la Maitresse de ses pensees. Il portait un petit blouson dont elle s'etait moquee et en avait honte. Il etait malheureux, quand la magique presence de Claude n'operait plus il sentait profondement sa defaite: elle l'avait rejette une deuxieme et sans doute derniere fois. Il ne lui en voulait pas, loin de la. Il n'etait tout simplement meme pas digne d'etre son esclave. En debarquant de l'avion elle vit ce personnage lamentable dont le visage devaste exprimait un profonde souffrance, une totale allegeance et une passion brulante. Elle fut emue par ce spectacle. Elle n'etait pas du tout sadique et ne fut pas rejouie de voir cet homme reduit par elle a cet etat. Elle en eut pitie, mais aussi fut ebranlee au plus profond d'elle-meme d'etre la source et la cible d'une telle passion. Elle fut gentille avec lui, ne se moqua pas. Ils echangerent un baiser sur la joue et elle s'envola. Le hasard l'avait placee a cote d'un homme seduisant et interessant. Leur conversation s'apparentait presque a un flirt. Renaud attendit et rentra a son tour tristement a Paris. Pendant le week-end Renaud reflechit et prit une resolution. Lundi il supplierait Claude d'aller avec lui a l'hotel faire l'amour. Elle le refuserait surement, mais tant-pis. Lundi un coup de fil de Claude le convoqua dans son bureau. Il pensa qu'il en profiterait pour presenter sa supplique. Il frappa, entra. Elle etait assise, tres "Directrice adjointe", serieuse, efficace. elle le laissa debout devant elle et avant qu'il n'ait rien pu dire lui tint en substance le discours suivant: elle avait reflechi et pris la mesure du sentiment qui l'animait a son egard. Elle avait pris conscience de la force exceptionnelle de de ce sentiment et il lui semblait qu'elle ne pouvait pas ne pas saisir cette chance. Elle ne parla pas d'un quelconque sentiment qu'elle aurait eu de son cote. Ce ton raisonable et un peu froid, la posture hierarchique, tout donnait une couleur etrange a cette scene. Elle proposa d'aller a l'hotel. Elle fixa le jour, l'heure, le lieu. Bref elle avait pris les choses en main. On imagine la joie et l'angoisse de Renaud. La crainte d'un fiasco comme avec Fanny le taraudait a nouveau. Ils firent donc ainsi. Il n'etait jamais entre dans un hotel juste pour quelques heures l'apres-midi. Il faut un debut a tout. Ils se deshabillerent. Et une immense surprise attendait Renaud. Claude avait l'air tres "sage", elle ne se maquillait pas sauf un peu de noir sur les cils, elle etait habillee de bon gout avec ses jupes droite qui ne revelaient qu'un petit bout de genou. Et elle se metamorphosait soudain en une femme pleine de temperamment, de sensualite, de fougue amoureuse. Il n'en revenait pas ! Et en face ? Helas, trois fois helas ! Cette femme qui le dominait par son intelligence fine et penetrante, sa combattivite, sa force de caractere, cette femme qu'il admirait pour son brillo et sa rigueur ethique, cette femme qui l'avait totalement subjugue, qu'il adorait religieusement, il la rencontrait sur ce terrain nouveau de la relation sexuelle. Et plus elle se montrait brillante, plus il se montrait pitoyable. Sa pire crainte se realisait. Ce qu'il avait craint comme une possible troisieme humiliation se realisait tragiquement: il etait completement impuissant. Le mot "humiliation" etait faible, "mortification" irait mieux. Pourtant Claude essayait de l'aider. Les tentatives de Renaud etaient de plus en plus ridicules, grotesques. Claude la moqueuse se gardait bien de se moquer a ce moment. Elle savait qu'il y avait pour lui une tres profonde blessure narcissique et elle le menageait. Elle etait presque maternelle ! Mais rien n'y fit ! Il fallut bien que Claude arrete ce spectacle lamentable. Ils s'habillerent. Renaud etait desespere. Si Claude l'avait humilie plus d'une fois, cette fois-ci il n'avait pas eu besoin d'elle. Au contraire elle avait tout fait pour restaurer sa fierte. Mais il avait, tout seul, comme un grand, reussi a presenter le spectacle le plus pathetique qui soit. Qu'avait-il fait a Aphrodyte pour subir cette punition ? Comme dans les textes bibliques ou legendaires, il avait du subir, non pas une des trois hmuliations anticipees, mais les trois a la suite, dans un crescendo de l'abaissement. Et cela parce que Claude lui avait par deux fois offert une nouvelle chance. Il avait tout gache. Il avait tout rate. Il s'habilla, profondement triste. Voila, c'etait fini. Il avait honte, il etait mortifie, il etait desespere. Aucun plaisir masochiste a tirer de cet episode car il connaissait la suite: sa repudiation immediate et definitive. Et pourtant... (a suivre)