Le nid d'amour. #11 Par esclamoureux Claude trouve un nouveau logement ou Renaud est a son entiere disposition. Suite de "Une joute verbale", "Une �trange invitation au voyage", "Le voyage initiatique de Claude et Renaud", "Une declaration et trois humiliations", "une apres-derniere chance", "De nouvelles joutes", "Mille defaites savoureuses", "Genuflexion en public", "Un debat cornelien". "La Grece" Claude avait propose ce voyage en Grece pour passer une semaine avec Renaud et pour "qu'a l'aune de nos sentiments nous pourrions etre a meme de mieux envisager l'avenir". Elle fut exaucee au dela de toute esperance: la femme de Renaud lui mit le marche en main, soit il renoncait a ce voyage soit elle le chassait du "domicile conjugal". Cela contraignait Renaud a un choix qui aurait forcement des consequences forte sur l'avenir. Soit Renaud se soumettait a sa femme et sa relation avec Claude etait condamnee, soit il se soumettait a Claude, ce qui prorogerait leur relation sous une forme profondement modifiee. Renaud se rendit donc a Sifnos selon le desir de Claude et il visita cette splendide ile sous la direction de sa Maitresse. Le jour meme ou Claude se plaignait de ce que Renaud avait decrit ce voyage sous l'angle masochiste de la soumission/domination, Renaud ecrivait dans un autre cahier "le resultat (de la reaction de sa femme) c'est qu'aujourd'hui je t'appartiens entierement". Donc Claude triomphait, mais sans triomphalisme: avant Sifnos elle craignait que Renaud ne se soumette a sa femme. Il s'etait soumis a elle, Claude. Elle ne prit pas le temps de s'en rejouir pour s'inquieter des difficultes ulterieures. Il fallait trouver un gite pour Renaud. Mais surtout, c'est elle qui se trouvait confrontee maintenant a un choix cornelien: allait-elle quitter son mari ou laisser Renaud seul a sa disposition ? De nombreux liens d'affection la liaient a son mari. Elle n'avait pas envie de dechirer le tissu de sa vie avec lui et avec ses enfants. Et puis elle n'avait pas la meme raison que Renaud: en restant avec son mari elle ne perdait pas Renaud, il acceptait le partage. Elle pouvait imposer la polyandrie a ses deux hommes. Mais alors sa relation avec Renaud serait totalement desequilibree, un desequilibre visible, materiel, qui semblait legitimer le discours masochiste de Renaud. Si Claude etait victorieuse, qui etait vaincu ? Renaud ? Ce n'etait pas si simple. Le Renaud "enfoui, chafouin, amer, raisonneur" gisait a ses pieds. Mais il existait un autre Renaud, celui qu'elle appelait "l'hommoncule tendre et obstine qui occupe ma tete et me separe de la realite". Ce substantif "hommoncule" cultivait une savante ambiguite: petit car il tenait dans sa tete, mais aussi parceque, comme dans la chanson de Brassens il "s'etait fait petit devant une poupee", il s'etait abandonne comme un enfant a son pouvoir et elle l'appelait "mon bebe" dans les moments tendres. L'hommoncule, donc, n'etait pas vaincu, il etait dans le camp de la victoire. Il se rejouissait de cette nouvelle configuration. Il ne souhaitait pas qu'elle quitte son mari car il craignait que la grisaille de la vie commune n'assombrisse la magie de leur amour. Etre ainsi occuppe a attendre sa Maitresse, a sa totale disposition, ostensiblement son esclave amoureux, cela lui plaisait. Il n'etait que le "deuxieme mari", mais aussi "l'amant de coeur" et cela comptait. Il se voyait comme ces demi-mondaines que les bourgeois riches placaient dans une demeure a leur disposition, sauf que, bien sur, le rapport des sexes etait inverse et que ce n'etait pas l'argent mais l'amour qui le causait. Il fallait donc trouver un gite pour Renaud. Claude accepta de l'aider, c'est a dire qu'elle prit les choses en main. Leur premiere tentative fut decevante: il s'agissait d'une chambre d'etudiant fort chere et tellement prisee qu'ils trouverent 20 personnes devant eux et que l'affaire etait bouclee avant meme qu'ils ne parviennent a visiter. Claude restait calme et Maitresse d'elle-meme et du cloren. Ils burent un verre place de l'estrapade, equippes d'un journal. Claude designa a Renaud une offre qui lui paraissait interessante. Elle se rendit dans un cabine telephonique et revint assez excitee: "Tu te rends compte c'est un immeuble ou a habite Rainer Maria Rilke". De fait, de quelle meilleure influence pouvaient-ils rever que de celle de l'ame de ce poete si romantique et follement amoureux de Lou Andreas-Salome, peut-etre un peu soumis a elle. Elle avait pris rendez-vous des le lendemain matin avec le proprietaire. L'immeuble etait ancien et d'un grand charme, avec des grandes baies vitrees ouvrant sur des studios d'artistes. Le tres petit deux-pieces etait niche comme une cachette au pied d'un grand mur aveugle et couvert de lierre. Le tout situe a quinze minutes de marche du domicile de Claude ! Claude se mit a negocier avec le proprietaire pour exiger qu'il nettoie le plancher et le vitrifie a nouveau. Renaud etait terrorise par son audace. Il craignait que ses exigences ne lui fassent perdre l'affaire, mais encore une fois elle reussit. Fallait-il qu'Aphrodyte ou quelqu'autre deesse tutelaire des amants les ait fermement proteges pourqu'une solution aussi miraculeuse leur ait ete offerte ? Ils n'auraient rien pu imaginer de meilleur ! Encore une fois Renaud dut admirer Claude: c'est elle qui avait trouve ce lieu, qui avait mene la negociation, et le tout avec une aisance et une tranquille fermete qui forcait son respect, son admiration, son amour. Elle etait clairement apparue comme la dominante aux yeux du proprietaire ce qui plaisait a Renaud. Son desir de soumission adoratrice devant cette deesse capable de tous les miracles avait atteint des sommets. Toutes les bases du cloren etaient retablies et renforcees alors meme que le cloren avait maintenant un lieu qui le materialisait. Tout convergeait merveilleusement. De facon parfaitement naturelle Claude prit en main la decoration du nouveau logement de Renaud. Elle se comportait en Maitresse de maison, de la "maison" de Renaud. Puisqu'il y etait de par la volonte de Claude et y attendait son bon plaisir, ni l'un ni l'autre ne s'etonna de cette nouvelle acception du mot "maitresse" qu'elle endossait: Maitresse-amante, maitresse-dominatrice, maitresse-educatrice, maitresse en politique, maitresse en philosophie, maitresse en morale, maitresse-queue, maitresse sexuelle, maitresse a la lutte, superieure hierarchique professionnelle, etc (un beau morceau de delire masochiste ? oui, mais il y a du vrai) et maintenant Maitresse de maison. Donc elle emmena Renaud dans des magasins ou elle choisit des rideaux bleus pour cacher l'entree, et, avec les retombees du tissu, des coussins assortis. Elle choisit un dessus-de lit blanc casse. Elle lui fit acheter un seau, des balais, un paillasson. Il considerait le paillasson comme une depense inutile mais elle maintint sa decision et il se soumit, comme il le faisait toujours en dernier ressort. Cette nouvelle conjoncture bouleversait leur relation (a suivre).